La France est un pays de cocagne, mais c’est surtout un pays de monarchie. Pendant quelque chose comme 1300 ans, nous avons été gouvernés par un pouvoir centralisé entre les mains d’un monarque dont le territoire n’a eu de cesse de s’agrandir ou de rapetisser au gré des mouvements de l’histoire. Dans le lot, il y avait de tout : des rois fous et des bons rois, des guerroyeurs et des pacifistes, des économes et des dépensiers. Il y a eu de tout et faire un classement des meilleurs rois sans les situer en contexte n’aurait pour ainsi dire aucun sens. Nous avons donc essayé d’évaluer la qualité des rois de France compte tenu du contexte de leur accession au trône et de ce qu’ils ont réussi à faire de leurs royaux doigts le temps que dura leur règne.
1. Louis XI
Ses dates : 1461 – 1483
Son surnom : « Le prudent ». Ca ne s’invente pas.
Le contexte de son accession au trône : La Guerre de Cent ans et un royaume morcelé.
Le contexte à sa mort : La fin de la guerre de Cent ans, un état centralisé, pacifié et surtout agrandi : les duchés de Bretagne, d’Anjou, de Provence ou de Bourgogne sont rattachés au royaume.
Ses faits marquants : Louis XI était un tacticien de génie et surtout un des inventeurs de la diplomatie, à tel point d’ailleurs que ses détracteurs considéraient ses manières comme sournoises. Pour ne citer qu’un exemple, Louis XI a mis fin à la guerre de Cent ans en prenant le contrepied de Charles le Téméraire. Celui-ci s’était mis d’accord avec le roi d’Angleterre pour que les armées bourguignonnes et anglaises s’allient et envahissent la France. Louis XI a directement négocié avec le roi d’Angleterre pour éviter une guerre et briser l’alliance anglo-bourguignonne en versant quelques 500.000 écus. Et hop : un royaume pacifié et la Bourgogne bien marrie. 20 ans de paix donc, sous Louis XI, malgré un royaume à la superficie doublée. Louis XI a également été l’un des pionniers de la Renaissance italienne, exerçant un protectorat sur les provinces italiennes, promouvant l’usage de l’imprimerie en France et instaurant des services publics indispensables, comme le relais des postes. Louis XI modernisa aussi l’armée en s’inspirant du modèle militaire suisse.
2. Henri IV
Ses dates : 1589 – 1610.
Son surnom : « Le grand ». Parce qu’il était grand.
Le contexte de son accession au trône : Dans une France ravagée par la guerre entre protestants et catholiques, Henri IV, protestant et obligé bientôt de se convertir, fait figure de tête de turc. Haï par les deux parties, il doit également faire face aux prétentions belliqueuses espagnoles. C’est pas la fête.
Le contexte à sa mort : Un royaume pacifié en plein essor économique et ouvert sur les arts. Même si la popularité d’Henri IV est plutôt une construction du XVIII° siècle, ça pose le bonhomme.
Ses faits marquants : L’édit de Nantes, ce n’est pas rien, ou comment pacifier (temporairement) un pays 25 ans à peine après la Saint-Barthélémy. La paix a un effet bénéfique sur l’économie. La production agricole repart et Henri IV installe des artistes au Louvre pour favoriser l’émergence d’un savoir-faire français (notamment chez les tisserands) et ainsi mettre fin aux importations de tapis des Flandres. Henri IV est aussi célèbre pour sa phrase apocryphe selon laquelle il souhaitait voir dans la marmite de chaque laboureur une poule au pot. Si la phrase est douteuse, l’intention est probablement réelle.
3. Philippe Auguste
Ses dates : 1180-1223.
Son surnom : Bah Auguste. Sinon son nom c’était Philippe II.
Le contexte de son accession au trône : Un royaume morcelé, exsangue, sans pouvoir central et marqué par une féodalité très forte.
Le contexte à sa mort : Un royaume de France beaucoup plus vaste et mieux intégré grâce à un mode d’administration royale plus moderne ; de nombreuses victoires militaires et l’envoi d’une troisième croisade, Paris beaucoup plus vivable grâce à une politique d’assainissement, le début d’un sentiment national français et la fin du système féodal.
Ses faits marquants : Il y a du bon et du moins bon. Le bon, c’est vraiment la mise en oeuvre de la nouvelle administration (baillis, sénéchaux et prévôts qui représentent le roi sur les territoires, notamment nouvellement conquis, de façon à créer un maillage territorial fort) ; le pavage des rues de Paris est un autre pas en avant pour la modernité. En revanche, on aurait pu se passer de l’expulsion des Juifs de France en 1182 dans le seul et unique but de spolier leurs biens pour renflouer les caisses.
4. Louis IX
Ses dates : 1226-1270.
Son surnom : « Le prudhomme », puis « Saint-Louis » après sa canonisation.
Le contexte de son accession au trône : Le conflit entre les Capétiens et les Plantagenêt mettait une sale ambiance dans tout le royaume. D’autant que Louis, sacré alors qu’il était mineur, ne s’était pas attiré la sympathie des barons de provinces qui espéraient pouvoir le renverser.
Le contexte à sa mort : Saint-Louis a encore une fois augmenté la taille du royaume de France en y rattachant plusieurs baillis (Aix-en-Provence, Carcassonne) et plusieurs comtés (Sancerre, Blois, Chartre…). Son règne, placé sous le haut patronage des valeurs chrétiennes, tend à modifier la perception du roi de France, de noble à la tête d’une armée de vassaux à justicier suprême vers lequel tous les sujets doivent se tourner.
Ses faits marquants : Sous le règne de Louis IX, plusieurs mesures de justice seront intronisées : la présomption d’innocence, l’interdiction de la vengeance privée, la limitation du recours à la torture et une forme de grâce royale via la possibilité de faire appel au roi pour réviser une sentence de justice. Louis IX invente également la monnaie unique dans le royaume et met en place des institutions pour l’aider à gouverner.
5. Charles V
Ses dates : 1364-1380
Son surnom : « Le sage ». En voilà un qui devait avoir plein de cadeaux à Noël.
Le contexte de son accession au trône : Des défaites en pagaille lors du premier volet de la guerre de Cent ans, auxquelles se sont greffées une épidémie de peste noire qui a pas mis une ambiance gégène en Europe et en France. Et la guerre civile n’arrange rien.
Le contexte à sa mort : Un royaume apaisé dont l’extension territoriale est la même qu’avant les premières défaites de la guerre. Le pays se structure encore plus que sous Saint-Louis autour d’une autorité royale forte et juste qui use à bon escient d’un sentiment national en gestation pour isoler l’Angleterre.
Ses faits marquants : La lutte contre les Grandes compagnies qui pillaient le royaume, la mise en oeuvre d’une politique d’imposition efficace permettant à la France de se doter d’une armée régulière et puissante et des victoires militaires de tous côtés sur l’Angleterre. Charles V créé aussi ce qui deviendra la BNF et instaure le franc comme monnaie nationale.
6. Charlemagne
Ses dates : 768 – 814.
Son surnom : « Le grand ». C’est Charles Ier, en fait, Charlemagne, et Magnus ça veut dire grand.
Le contexte de son accession au trône : Roi des francs, Charlemagne est en réalité à la tête d’un tout petit royaume. L’état tel qu’on le connaît n’existe pas encore.
Le contexte à sa mort : Charlemagne est empereur depuis 800 d’un empire qui s’étend sur une bonne partie de la France actuelle, de l’Espagne actuelle, de l’Italie actuelle et de l’Allemagne actuelle. Mais il scinde le royaume en plusieurs ensemble pour le partager entre ses successeurs.
Ses faits marquants : Il s’entête à l’étendre, en battant les Lombards, en conquérant des territoires espagnols et en asseyant le pouvoir royal sur les duchés d’Aquitaine et de Bavière. Charlemagne a également étendu l’accès possible à l’école de façon à ne pas réserver l’enseignement aux seuls privilégiés. Il participera aussi à la popularisation des saintes écritures et enverra des pèlerins au Moyen-Orient.
7. Louis Philippe
Ses dates : 1830 – 1848
Son surnom : « Le roi des Français » et non plus de France.
Le contexte de son accession au trône : Après la chute de Napoléon, les Bourbon, rétablis sur le trône, s’étaient efforcé de mettre en place une monarchie plus ou moins constitutionnelle mais pas libérale libérale. Charles X s’est ainsi vu renversé par les Parisiens après avoir voulu reprendre la main sur la contestation à la chambre. Et voilà comment Louis-Philippe d’Orléans s’est retrouvé sur le trône en 1830 pour diriger un pays extrêmement polarisé entre républicains, monarchistes, orléanistes, bonapartistes et tout le bazar.
Le contexte à son abdication : Pas terrible, faut reconnaître. Crise agricole et cris économique faisant bon ménage, le pays va mal et les dérives autoritaires du roi, qui vieillit, n’arrangent rien. D’autant que des scandales émaillent les gouvernements successifs du régime. En 1848, il est renversé et remplacé par la deuxième république.
Ses faits marquants : La mise en place d’une première vraie monarchie constitutionnelle. La vie politique moderne se développe en partis polarisés idéologiquement et reconnaissables. Sous Louis-Philippe, le gouvernement vote aussi des investissements d’Etat massifs pour relancer l’économie, préfigurant une politique keynésianiste.
8. Louis XVI
Ses dates : 1774 – 1792
Son surnom : Il n’en avait pas.
Le contexte de son accession au trône : Une économie en récession, la faute aux fastes du pouvoir et à un statu quo quant à l’orientation économique du pays, coincé entre vent libéral et tradition malthusianiste.
Le contexte à sa mort : Bah la Révolution, on connaît, on ne va pas vous reraconter l’histoire.
Ses faits marquants : Face à la Récession, Louis XVI coupe immédiatement les dépenses de cour. La cagnotte ainsi récoltée lui permet de financer des aides sociales aux Parisiens démunis à hauteur de 100.000 livres. Il exempte également les sujets de l’impôt traditionnellement versé lors de l’accession d’un roi au trône. Pour le reste, Louis XVI fera confiance à Turgot qui initiera une politique économique libérale, puis à Necker qui virera sa cuti. Dans les deux cas, des mauvaises récoltes et des épisodes polaires auront raison de la satisfaction des sujets. Face aux Etats généraux, Louis XVI se montrera raisonnable et prêt à négocier – ce qui lui coûtera aussi sa tête, faute d’avoir su s’affirmer.
9. Louis XV
Ses dates : 1715 – 1774.
Son surnom : « Le Bien-Aimé ». On l’aimait bien.
Le contexte de son accession au trône : La France est épuisée par les dépenses fastueuses de Louis XIV et par les guerres incessantes. Louis XV fait tout de suite figure de grand pacificateur. Grand, beau, altier, il incarne un visage séduisant de la monarchie mais ce n’est que de la gueule : Louis XV se désintéresse totalement de la politique et laisse ses ministres agir pour lui, n’intervenant que pour aller à l’encontre de leurs recommandations.
Le contexte à sa mort : Paris fait la fête quand le roi meurt de la variole, comme lors de la mort de son grand-père, Louis XIV. Ses impôts et ses dépenses fastueuses ont achevé de rendre Louis XV impopulaire aux yeux de ses sujets.
Ses faits marquants : Mais c’est sous Louis XV que la France acquière la Corse et les Duchés de Lorraine et de Bar. La France s’affirme aussi comme une immense puissance militaire en Europe (à défaut d’être désormais considérée comme une grande puissance politique). Sa postérité négative tient aussi à ses mœurs légères qui lui ont valu les foudres des moralistes du XVIII° – avant une réhabilitation partielle au XIX°.
10. Louis XIV
Ses dates : 1643 – 1715
Son surnom : « Le roi Soleil ».
Le contexte de son accession au trône : Les finances vont mal, la faute à des malversations pas possibles mais aussi à une guerre ruineuse contre l’Espagne et la Fronde qui ne s’arrête pas. Louis XIV se pose en monarque absolu : il fait arrêter le surintendant des finances, Fouquet et organise une justice financière.
Le contexte à sa mort : Le pouvoir royal, définitivement teinté d’absolutisme, a épuisé un peu tout le monde. Le roi était vieux et il a régné trop longtemps. Les sujets n’en pouvaient plus et certains ont même hué son cortège funèbre. De plus, les fantaisies de Louis XIV ont mené le pays à la banqueroute.
Ses faits marquants : Louis XIV mène plusieurs guerres, déménage la cour à Versailles, se montre particulièrement répressif envers les Bohémiens et, surtout, fait la connerie de révoquer l’édit de Nantes. Son héritage principal est donc Versailles et l’image d’une France rayonnante que les étrangers perçoivent comme telle.
Et dire qu’aujourd’hui encore il y a des héritiers au trône de France qui pourraient prendre le pouvoir…
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